Les Nations unies reconnaissent les droits des peuples indigènes
Au terme de plus de vingt ans de négociations, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, jeudi 13 septembre, une déclaration symbolique reconnaissant de larges droits aux quelque 370 millions de personnes appartenant aux peuples autochtones, souvent marginalisés à travers le monde.
Le texte proclame "le droit à l'autodétermination" des peuples premiers et réclame pour eux, le cas échéant, "des réparations". Il vise notamment à protéger la spécificité de leur culture, l'intégrité de leurs terres, et à les prémunir contre toute discrimination.
Selon le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, l'adoption de la déclaration est un "triomphe pour les peuples indigènes du monde entier". Elle marque, selon M. Ban, "un moment historique où les Etats membres de l'ONU et les peuples indigènes ont réconcilié leurs histoires douloureuses".
Seuls les Etats-Unis, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont voté contre la déclaration. Les quatre pays abritent de larges populations indigènes et craignaient que le texte n'ouvre la voie à de nouvelles revendications de ces minorités, au détriment d'autres groupes ou des lois nationales. Onze pays, dont la Russie et la Colombie, se sont abstenus, tandis que 143 pays ont voté pour.
Le document reconnaît aux peuples premiers le "droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes" et "le droit de ne pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture". Ils doivent aussi pouvoir "contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires", avoir "leurs propres médias dans leur propre langue" ou encore ont "droit à leur pharmacopée traditionnelle".
"Les peuples autochtones privés de leurs moyens de subsistance et de développement ont droit à une indemnité juste et équitable", affirme par ailleurs la déclaration. Des mécanismes "de réparation efficaces" sont demandés pour ceux dont les terres, les ressources, les biens religieux ou culturels ont été spoliés, ou dont les populations ont subi un "transfert forcé".
Selon des sources diplomatiques, la France a longtemps été réticente vis-à-vis de passages clés de la déclaration, "en raison du principe d'indivisibilité de la République" et "par refus de reconnaître des droits collectifs en matière de droits de l'homme". Mais sous l'impulsion de l'ancien président Jacques Chirac, qui attachait un intérêt particulier aux peuples premiers, ces réticences ont été surmontées.
Jeudi, Paris a voté en faveur du texte, tout en semblant, à travers une "déclaration interprétative", limiter sa portée nationale "aux autochtones des collectivités territoriales d'outre-mer". Le droit à l'autodétermination ne peut s'exercer que "conformément aux normes constitutionnelles nationales", a aussi précisé la France.
La déclaration, qui n'est pas un traité, n'a "pas de conséquence juridique", affirme un expert français. Faute de consensus, le texte, promu principalement par les pays latino-américains, ne définit notamment pas ce qu'est un peuple autochtone. Ban Ki-moon a toutefois appelé les gouvernements à faire en sorte que "la vision derrière la déclaration devienne une réalité".
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Philippe Bolopion - Article paru dans l'édition du 15.09.07